. Parfois, il faut passer par les fondamentaux pour convaincre, quitte à être barbant·e. La vie n’est pas toujours faite de toboggans et de piscines à boules. Ainsi, lorsque la décroissance est très fortement critiquée dans une conversation, ne vous empressez pas d’affirmer à quel point elle est indispensable, assurez-vous d’abord que vous parlez bel et bien de la même chose. Vous l’aurez compris, cette chronique sera donc un gros point « définition ». Rassurez-vous, on en aura une chouette pour vous à la fin – teaser. C’est parti pour la mise au point !
Commençons par ce que la décroissance n’est pas. Contrairement à ce que racontent toujours certains experts – aussi experts que nous sur l’accouplement des hippocampes – le covid n’a pas provoqué de décroissance. La pandémie a engendré une récession (deux mois consécutifs de recul du PIB), et une dépression (baisse durable de la production et grave crise économique). Ces deux concepts n’ont rien à voir avec la décroissance. Rien ! En quoi ? C’est simple, elles sont tout l’inverse de la décroissance : ni planifiées, ni souhaitées, elles ont aggravé les inégalités, augmenté le chômage, la dette, et leurs bienfaits sur le climat et la biodiversité sont involontaires et de courtes durées. Et le pire : elles entraînent des politiques de relance qui ne sont pas vraiment alignées avec l’écologie. Ça va mieux quand c’est dit, non ? Passons maintenant à ce qu’est la décroissance. C’est un projet de société qui se planifie. Ses objectifs sont nombreux : sortir des énergies fossiles, réduire les inégalités, les impacts sur le climat et la biodiversité, trouver un équilibre avec le vivant, augmenter le bien-être… Tout cela ne peut s'organiser que dans une société qui tourne le dos à la croissance. Attention, ça risque de coincer ici. « La croissance réduit les inégalités et augmente notre richesse ! » entend-on encore. N'hésitez pas à envoyer ces fanboys et fangirls de la croissance vers le fameux livre que tout le monde a acheté mais jamais ouvert, Le Capital au XXIe siècle, de Thomas Piketty. L’économiste y décrit pourquoi la croissance n’enraye plus les inégalités et est décorrélée des richesses des ménages. En clair, elle profite de plus en plus à un petit nombre.
« Et aux pauvres, tu vas leur faire avaler la pilule de la décroissance ?! ». Réponse : les premiers concernés par la décroissance seraient bien sûr les ménages les plus aisés. Pourquoi ? Parce qu’ils émettent en moyenne 3 fois plus de CO2 que les 10 % les plus pauvres en France. « Donc tu es anti-tout progrès ? » Le moment « Amish ». Le plus croustillant… La décroissance n’est ni anti-progrès, ni anti-technologie. Elle consiste à trouver un équilibre entre économie et vivant. Autrement dit de ne garder que le nécessaire : la santé, l’alimentation, l’habitat ou le transport et de garantir leur accès au plus grand nombre. Ce qui demande, bien entendu, des arbitrages. À vous de demander si la livraison en moins de 15 minutes, l'avion vert ou encore les « drones for yachts » – des innovations a priori insoutenables – semblent vraiment nécessaires à votre interlocuteur·trice. Si c’est un oui, resservez-vous en fromage. Miam.
Et le dessert alors ? On y arrive : la décroissance, c’est « une réduction planifiée de l’utilisation de l’énergie et des ressources visant à rétablir l’équilibre entre l’économie et le monde du vivant, de manière à réduire les inégalités et à améliorer le bien-être de l’Homme. » Pas mal hein ? Affichez-la dans vos toilettes, apprenez-la par cœur, car cette définition de l’anthropologue anglais Jason Hickel rassemble les points clés : planification, équilibre entre économie et vivant, réduction des inégalités et bien-être. En revanche, on ne sait toujours pas si la piscine à boules est nécessaire… On vous laisse juger !
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