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Voyage en 2035 : à Bordeaux, des scientifiques organisent le procès fictif de Total

La rafale ! Alors que le Sultan Al-Jaber, président de la COP 28, s'est publiquement exprimé pour affirmer qu'une sortie des énergies fossiles nous ramènerait à l'« âge des cavernes » (d'après des révélations du Guardian), les scientifiques n'ont plus le temps d'y aller de main morte. Après avoir bloqué des musées, un pont, demandé à la société civile de se bouger les miches, le collectif Scientifiques en Rébellion s'est donné le pari d'organiser une COP alternative à Bordeaux pour mener des débats de haute intensité, mais aussi... pour faire le procès fictif de TotalEnergies.

De faux manifestants mènent un faux die-in lors d'un procès fictif de TotalEnergies à la COP alternative de Bordeaux, organisée par le collectif Scientifiques en Rébellion, du 30 novembre au 3 décembre.
Lors du procès fictif, des membres du public sont venus « jouer » un die-in pour rappeler le rôle de TotalEnergies dans la crise climatique et écologique.

(Les propos que nous rapportons ici ont été tenus dans le cadre d’un exercice de jeu de rôle collectif).


« L’audience est ouverte, vous pouvez vous asseoir. » Plongée en 2035 : nous sommes douze ans après la COP 28 de Dubaï. TotalEnergies, toujours dirigé par Patrick Pouyanné, est jugé pour crime d’« écocide » (reconnu par la loi en 2032, étant aujourd'hui qualifié de « délit »).


Au cœur de l’exposé des faits, un « Total n’est qu’une infime partie de ce qu’il se passe aujourd’hui » lâché par l’avocat de la défense répond à l’accusation : « Les bombes climatiques de Total ont participé à nous faire basculer au-delà de 1,5°C. » Plus tard, le PDG de la multinationale viendra expliquer à la barre que « les gens veulent une transition douce » et que, de toute façon, « nos actionnaires nous ont encouragés à poursuivre et augmenter l’exploitation ».


Tout semble réel. Ou presque. Et pour cause : trois juristes ont participé à l’élaboration du procès fictif. Un jeu de rôle collectif conçu pour être le plus proche d’une future réalité, et pensé pour « donner la possibilité à quelqu’un, pour quelques instants, de se mettre à la place de Patrick Pouyanné par exemple, ou du PDG de la BNP » d’après Jérôme Santolini, coordinateur du procès et chercheur en biochimie. Les passages à la barre sont préparés, fiches explicatives à l’appui. C’est l’effervescence. « Je me régale, j’adore ce qu’il se passe, nous balance Jim, doctorant en chimie atmosphérique, qui vient de mettre sur pied une action de die-in avec son groupe. C’est comme une sorte de catharsis, ça fait du bien, c’est libérateur. »


Les débats ne s’arrêtent plus. Coralie, qui interprète une représentante de l’association Stop Total, est la première témoin à passer. Sa feuille tremble. L’exercice oratoire, devant une centaine de personnes, est délicat. Et le réel n’est jamais très loin : on parle des superprofits des supermajors, de l’échec de la Convention Citoyenne pour le Climat et de la COP 28, du « en même temps » d’Emmanuel Macron… Bref, de quoi « disséquer et analyser les causes » de notre dépendance aux hydrocarbures, comme l’espérait Jérôme Santolini avant le procès. « On s’est mis à la place de Pouyanné et dans les mécanismes psychologiques du dogme de la croissance » fait remarquer une personne du public à l’issue du jeu de rôle. Un succès qui rend enthousiaste les initiateurs du projet, qui espèrent le voir se renouveler. Jusqu’au vrai procès ?

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